Les limites de l’inspection judiciaire de Scopeti (septembre 1985) – 1 sur 4
par Vieri Adriani
Vieri Adriani est avocat spécialisé en droit pénal international. Langues parlées : anglais et français
1. Nature et objectif de l’inspection judiciaire
L’inspection judiciaire est depuis longtemps définie comme l’ensemble des activités scientifiques visant à préserver l’état des lieux, à rechercher et à saisir les preuves utiles à l’identification de l’auteur ou de la victime et à reconstituer le déroulement du crime (Carella Prada, Tancredi, 2010).
Bien que ce terme ne figure pas dans le Code de procédure pénale, l’inspection marque le début de toute enquête. Une analyse méthodique et scientifique de la scène du crime, menée de manière coordonnée par le procureur, le ministère public et des consultants, est essentielle pour comprendre l’événement.
Dès 1910, la nécessité de réglementer cette activité s’est fait sentir en Italie : la circulaire n° 1667 du ministre Mario Fani a fourni des lignes directrices pour un examen approfondi de la scène, suggérant également l’utilisation de croquis ou de photographies pour documenter les détails les plus pertinents, tels que la position du corps ou des objets trouvés.
2. L’inspection de 1985 et l’inspection d’aujourd’hui : les bonnes pratiques restent inchangées
Dans les enquêtes criminelles, l’inspection, également appelée examen de la scène du crime, est un ensemble d’activités techniques et scientifiques menées par la police judiciaire, les consultants du ministère public et, si possible, la défense.
Ces activités visent à décrire, analyser et recueillir les preuves trouvées sur la scène du crime, tant immédiatement après la découverte que lors des visites ultérieures. Elles sont régies par les règles du code qui codifient les pratiques établies, comme le démontrent les articles 55, 244, 348 et 354, dont le contenu est resté pratiquement inchangé, même lors du passage du code Rocco au code Vassalli. Il est donc inapproprié de prétendre que les inspections étaient moins rigoureuses dans le passé : même en 1985, par exemple, les mêmes obligations de précision et de méthode existaient. Les activités prévues sont divisées en enquêtes directes (recherche de preuves et d’auteurs, identification du délinquant et/ou de la victime, enquêtes urgentes et techniques) et enquêtes indirectes (telles que les déclarations du suspect ou de personnes informées). Les enquêtes urgentes sont de nature descriptive, tandis que les enquêtes techniques, en particulier si elles ne peuvent être répétées, nécessitent des ordres spécifiques des autorités judiciaires. Toutes ces opérations permettent de reconstituer les faits et d’identifier les responsabilités.
L’inspection est donc un moment clé de l’enquête. Dans le cas du crime de Scopeti (1985), les erreurs commises lors de l’inspection ont eu une influence négative sur l’enquête et les décisions qui ont suivi. Le présent document n’a pas pour objectif de retracer l’ensemble de l’affaire, mais plutôt de mettre en évidence les erreurs les plus manifestes qui ont été commises et leur impact sur l’évolution de l’affaire.
3. La « scène du crime » du crime de Scopeti. Observation et description. Le « portrait parlé »
Dans cette perspective méthodologique, le premier aspect à prendre en considération est la reconstitution de la scène du crime qui s’est déroulée devant les premiers intervenants dans la clairière de Scopeti.
Il convient de noter que, selon la version officielle, au début de l’après-midi du 9 septembre 1985, Luca Santucci, un jeune homme qui cherchait des champignons dans la clairière de Scopeti, a entendu un bourdonnement provenant de buissons et a découvert le corps sans vie de Jean-Michel Kraveichvili (ci-après dénommé JMK par souci de concision) caché dans la végétation. Il a donc alerté les carabiniers locaux. Le maréchal Lodato, commandant de la caserne locale des carabiniers, est arrivé vers 14h30. L’intervention de la police qui a suivi a permis de découvrir le corps d’une femme, Nadine Gisèle Mauriot (NM pour faire court), à l’intérieur d’une tente canadienne installée non loin du corps du jeune homme gisant à l’autre bout de la clairière.
Lodato a donné l’alerte générale et les premiers agents du quartier général de la police de Florence ont commencé à arriver. Ils ont été suivis par le substitut du procureur Paolo Canessa (chargé de l’enquête au ministère de la Défense), le chef de l’unité mobile, le commandant des carabiniers, des médecins légistes, etc. La police scientifique est arrivée vers 15h00. Le Dr Paolo Canessa (chef de l’enquête au MdF), le chef de l’unité mobile, le commandant des carabiniers, des médecins légistes, etc. L’arrivée de l’équipe médico-légale a eu lieu vers 15 heures : le plan opérationnel convenu par les autorités le 17 avril 1985, en prévision d’un nouvel attentat du Monstre, a ainsi été mis en œuvre.
La première erreur commise par la police, qui peut être reconstituée grâce à une interview accordée par Luca Santucci au célèbre blog Insufficienza di prove, a été de ne pas boucler tout le terrain, mais seulement la petite zone devant la tente. Il convient de noter que le terrain est surélevé par rapport à la Via degli Scopeti, une route qui relie Tavarnuzze à San Casciano. Selon les informations parues dans la presse à l’époque, l’autoroute était fermée à ce moment-là. Le chemin de terre menant à la clairière se trouve sur la droite pour ceux qui se dirigent vers San Casciano. De l’autre côté, il y a encore un portail menant à une villa, près duquel il y avait un peu d’espace pour se garer. Le portail était perpendiculaire à la route. Il suit désormais la route. Selon un témoin, la tente était visible depuis la route et se trouvait en hauteur.
La deuxième erreur commise par les enquêteurs a été la description erronée de l’orientation de la tente par rapport à la route : sur la carte, la tente est orientée avec son côté court parallèle à la route, alors qu’elle est inclinée de gauche à droite d’au moins 45 degrés. Le fond de la clairière est orienté vers le nord, l’entrée vers le sud, la route vers l’ouest et les bois où le corps du garçon a été retrouvé se trouvent à l’est, en bordure de la clairière. La clairière était divisée en deux parties par une haie, qui était elle-même traversée par un passage. La clairière mesurait 20 mètres de profondeur et 15 mètres de largeur. Comme mentionné précédemment, le corps de JMK gisait à l’extrémité de la clairière opposée à la tente. Sa tête est tournée vers le centre de la clairière et ses pieds vers les bois. Il semble avoir été traîné, mais il est également possible qu’il ait été jeté par deux personnes différentes qui le tenaient chacune d’un côté, en saisissant ses membres supérieurs et inférieurs en même temps. Il n’est pas possible d’en dire plus avec certitude.
Les mesures sont prises en utilisant comme point de référence un arbre qui n’existe plus, situé à droite de la tente vu depuis l’ouverture. Les opérateurs PG placent les repères O, Q, H, F, D, A, E et C sur le sol. Sur les lieux, ils identifient les éléments suivants : une tache de sang sur le montant gauche de la portière de la voiture verrouillée ; la tente canadienne où le corps de la femme a été retrouvé, mesurant selon l’équipe médico-légale : 185 cm de long, 110 cm de large et 140 cm de haut. La fermeture éclair de la Via Scopeti (côté long) semble avoir été ouverte, mais cela n’est pas certain ; la fermeture éclair opposée au centre de la tente était définitivement fermée ; de ce côté, il y a également une coupure de 40 cm sur la toile extérieure argentée, tandis que le bassin (toile intérieure jaune) ne semble pas avoir été coupé. Il convient de rappeler que l’on ne sait pas, et ce n’est pas un détail mineur, si la moustiquaire a été trouvée ouverte ou fermée. On note qu’elle présente cinq impacts de balles alignés verticalement. Les mesures ont été prises à partir de la charnière horizontale et non du sol : pourquoi ? Les impacts sont presque tous alignés verticalement et entourés d’un halo sombre.
Il y a également un trou de sortie à l’arrière, dans le coin droit, à 50 cm de la base et à 30 cm du sol, selon le professeur De Fazio. Ce dernier a été causé par un tir provenant de l’extérieur vers l’intérieur, tandis que le professeur Maurri pense qu’il s’agit d’un trou de sortie. Ces divergences, qui ne sont pas les seules entre les deux consultants du procureur, ne sont pas de bon augure pour la cohérence et la coordination, et constituent en fait le pire départ possible pour l’enquête qui va suivre. Il est vrai que le professeur De Fazio a donné son avis après que le rideau ait été spécialement remonté afin qu’il puisse le voir. En effet, le rideau, et c’est là la troisième erreur inexplicable commise lors de l’inspection, avait été coupé par l’équipe médico-légale avant l’arrivée du professeur de Modène.
4. L’inspection du 9 septembre 1985
Il s’agit du dossier des constatations techniques effectuées par le PS le 9 septembre 1985, au cours desquelles seules trois douilles ont été enregistrées au lieu de neuf, comme cela s’est avéré par la suite. Les six autres ont été, pour ainsi dire, découverts le lendemain grâce, dit-on, à l’utilisation d’un détecteur de métaux.
Il convient de noter que deux autres erreurs ont été commises à ce stade : ni la température externe des corps n’a été enregistrée, omettant une étape nécessaire à la datation précise du décès, ni la nidification de diptères sur le corps de l’homme n’a été notée, bien qu’elle ne soit pas encore visible (quatrième et cinquième erreurs). En fait, cela est exclu car cela ne peut être vu, probablement en raison de la difficulté à déplacer le cadavre sur la plate-forme. À tel point que les œufs éclosent le soir même, alors que les corps se trouvent déjà à la morgue, et en quelques heures, 7 au lieu des 24/36 habituellement nécessaires pour l’éclosion. Les recherches entomologiques les plus récentes ont confirmé que les larves, apparemment absentes à 17 heures mais présentes à minuit, appartiennent au genre Lucilia de mouches qui pondent leurs œufs (voir les précisions, également disponibles en ligne, du Dr Fabiola Giusti, CTP pour la défense dans la récente demande de révision in memoriam de Mario Vanni). Cela exclut la possibilité qu’elles aient été apportées par des mouches qui libèrent leurs larves directement dans les tissus des cadavres sans pondre d’œufs.
Enfin, le cadavre de la femme en état de rigidité cadavérique a été ouvert de force, si vous me permettez l’expression, comme un livre, afin de permettre aux photographes légistes de prendre des photos des mutilations génitales. Cela nous amène à la sixième erreur. (à suivre)
Florence, le 15 avril 2025
Vieri Adriani
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