de Vieri Adriani
Un comptable est chargé par un riche client d’investir des liquidités considérables (environ cinq millions d’euros) au nom de sa fille. Il prétend avoir des créanciers à ses talons, d’avoir subi des saisies dans le passé, jusqu’à le réduire presque à la ruine, et de vouloir donc préserver l’intégrité de son patrimoine liquide en favorisant sa seule descendance, destinée tôt ou tard à lui succéder et à recevoir l’héritage paternel.
Le comptable s’efforce en conséquence, en investissant ces liquidités pour acheter plus d’immeubles, en Italie mais aussi à l’étranger, ainsi que la participation dans une chaîne de supermarchés, qui appartient à des sociétés fiduciaires dont les parts sont attribuées en disponibilité de ladite fille.
A l’issue d’une visite au Portugal où il rencontre pour la dernière fois le client en personne afin de lui faire signer des documents, le comptable, qui entre-temps a été soumis à l’interception, reçoit en studio, une fois rentré en Italie, la visite inattendue de la GdF, qui lui notifie un ordre de détention en prison avec l’accusation d’association de type mafieux (art. 416bis c.p.), ainsi que d’association à des fins de trafic international de stupéfiants (art. 74 Texte unique Loi sur les Stupéfiants) avec le rôle de participant.
En prison, à la lecture de ladite ordonnance, il apprend malgré lui, que son client n’est autre que l’exposant d’une puissante fille calabraise, qui gère un trafic d’héroïne, de haschich et de cocaïne entre l’Europe et l’Amérique latine.
La drogue, entreposée dans des cargos apparemment destinés au transport et à l’élimination de déchets, part du port colombien de Carthagène (qui donne sur l’océan Atlantique) et arrive à Algeciras (près de Gibraltar, en Espagne); d’ici, grâce à la complicité d’organisations locales, poursuit (par avion privé) vers Milan, où le client bénéficie de collaborateurs de nationalité albanaise qui se chargent de la revente, aussi bien sur le marché national italien que vers l’Europe de l’Est.
Seule la collaboration entre les polices européennes et latino-américaines a permis de démanteler le réseau criminel transnational, en localisant les laboratoires de production sur le territoire colombien, au moins cinq, et en serrant les chefs sur le terrain qui ont fourni des éléments pour remonter au nom de l’importateur en Europe.
Même le client, arrêté et traduit en prison, après une échappée rocambolesca en hélicoptère, est rattrapé, à laquelle il “regrette” et finit par devenir un collaborateur des FF.OO., abandonnant à son destin le professionnel.
Comme il est facile de le deviner, les deux contestations qui lui sont portées, concours externe en association de type mafieux et participation à une association finalisée au négoce, se fondent principalement sur la réitération de ses conduites, qui se sont multipliées en l’espace de deux ans toujours en faveur de son client, le seul avec lequel il est jamais entré en contact, mais toujours à la tête d’une organisation illicite opérant au niveau international .
D’un point de vue plus strictement juridique, on sait que la jurisprudence de la Cour de cassation a exclu le concours apparent entre les deux conduites et a en outre rejeté la thèse qu’une norme “peut être considérée comme absorbée ou contenue dans l’autre”, donc les deux cas concourent (complicité formelle de délits) : voir. Cass. pen. , Sez. II, 16006/2020.
Une fois le renvoi en justice pour les deux accusations, le comptable, grâce à l’aide de l’agenda électronique et la reconstruction plus facile des contacts avec le client, a été en mesure de démontrer qu’il n’avait jamais eu connaissance ni de l’association, ni des activités illicites qu’elle a menées, ni du rôle de promoteur joué dans celle de son client.
Néanmoins, sa confiance excessive dans la légalité des sources de cet argent lui a valu une condamnation à 4 ans de prison pour blanchiment (en tant que non-membre de l’association), ayant accepté d’effectuer les opérations de revêtement de cet argent par l’intermédiaire des sociétés fiduciaires qu’il a identifiées, définies par le Tribunal comme l’équivalent des “boîtes chinoises” et n’ayant pas fait la déclaration obligatoire aux autorités compétentes (UIF). En ce sens, plus récemment, voir Cass. civ. 2129/2024, pour laquelle l’obligation de déclaration “n’est pas subordonné à la mise en évidence d’un tableau indicatif de blanchiment, ni même à l’exclusion, sur la base de la conviction personnelle, du caractère étranger des opérations à une activité délictueuse, mais à un jugement objectif sur leur adéquation, évalué les éléments objectifs et subjectifs qui la caractérisent, pour être un instrument de contournement des dispositions visant à prévenir et sanctionner l’activité de blanchiment”.
Florence, 14 mai 2025
Vieri Adriani
Le comptable, le narcotrafic et le blanchiment
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