de Vieri Adriani
Vieri Adriani est avocat avec une préparation spécifique en droit pénal international. Langues parlées : anglais et français
On entend souvent parler de blanchiment, terme qui a un équivalent dans les pays anglophones (“laundering”) et français (“blanchissement”). Blanchir signifie “nettoyer”, c’est-à-dire, en général, changer l’argent provenant d’un délit en autre argent, de manière à lui donner une apparence légale pour rentrer dans la légalité, dans le “pacte social”. Les mécanismes les plus utilisés pour investir et dissimuler l’argent issu d’activités criminelles sont les opérations bancaires et financières offshore auxquelles a recours historiquement en premier le mafieux américain Al Capone.
Il s’agit d’une activité très répandue et non reléguée au contexte exclusivement mafieux, pris en miroir de tous les maux de notre époque, en réalité seulement le plus à la mode. Voici quelques exemples pratiques de blanchiment d’argent, qui expliquent comment l’argent provenant d’activités illicites peut être, comme dit, “nettoyé” pour apparaître légitime “urbi et orbe”, comme pour une sorte de maquillage.
1. Structure de société fictive
Guy crée une société “fantôme” (par exemple, un restaurant, un concessionnaire automobile, ou une société de services) qui en apparence fournit des prestations réelles, alors qu’en réalité il reçoit et enregistre au bilan pour le compte de Caio l’argent sale fourni par ceux-ci, Comme s’il s’agissait de paiements effectués par ses propres clients. Pour un observateur extérieur, l’argent semblera toujours légitimement gagné.
2. Fractionnement des dépôts (smurfing)
Une importante somme d’argent liquide est divisée par Tizio en plusieurs parties, chacune inférieure au seuil de contrôle bancaire fixé à 9999 €. À ce stade, certains fiduciaires, c’est-à-dire des “smurfs” distincts mandatés par Tizio, déposent ces sommes sur leurs comptes respectifs sans éveiller les soupçons.
3. Achat de produits de luxe
L’argent provenant du crime commis par Tizio est utilisé par Caio pour acheter des biens de valeur, tels que des montres coûteuses, des voitures de luxe ou des biens immobiliers. Ensuite, ils sont revendus et le produit apparaîtra à tous égards comme une contrepartie légale.
4. Fausses factures
Une entreprise complaisante A émet des factures pour des prestations ou livraisons inexistantes vis-à-vis d’un autre sujet B : l’argent illicite est ainsi transféré de ce dernier à l’entreprise et enregistré en comptabilité comme paiement d’une prestation, devenant “propre” à tous égards.
5. Transfert international
L’argent provenant de l’activité criminelle de Tizio est transféré vers d’autres pays (les soi-disant paradis fiscaux) via des banques, des crypto-monnaies ou des sociétés offshore. Une fois arrivé à destination, il est réinvesti par des tierces personnes et ensuite, au moment opportun, renvoyé dans son pays.
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Notre pays sanctionne ces conduites comme blanchiment, conformément à l’art. 648 bis c.p., décrit dans les termes de toute personne qui remplace ou transfère de l’argent, des biens ou d’autres utilités, provenant du crime (délit non colaire ou contravention); ou effectue en relation avec eux d’autres opérations, de manière à empêcher l’identification de leur origine criminelle. Peines prévues dans les cas de provenance de délit : emprisonnement de quatre à douze ans et avec l’amende de 5.000 euros à 25.000 euros.
L’élément qualifiant de cette conduite, pour pouvoir la distinguer d’autres similaires, est le passage “de manière à entraver l’identification de leur provenance” du crime : un camouflage astucieux qui ne nécessite pas une explication particulière si évidente.
Dans ce sens, le recyclage ne doit pas être confondu avec
– l’association de type mafieux (art. 416 bis c.p.), qui peut exister avec ou sans blanchiment d’argent, mais si celui-ci est présent il ne reste pas absorbé par celle-ci, parce qu’elle constitue une infraction autonome et supplémentaire
– le recettage (art. 648 c.p.), parce que l’élément subjectif en est différent : dans le recettage, la volonté d’obtenir un bénéfice générique pour soi ou pour les autres; dans le recyclage, la volonté d’entraver l’identification de la provenance illicite
– la réutilisation illicite (art. 648 ter c.p.), qui a pour objet des produits illicites normalement déjà “nettoyés” et que par le principe de subsidiarité – on entend le principe sélectif de la spécialité établi par l’art. 15 c.p.- ne peut être contesté à celui qui est déjà considéré comme responsable du recyclage
– l’aide réelle (art.379 c.p.), qui ne requiert pas l’élément supplémentaire de spécialisation de la “direction de la conduite à l’obtention du remplacement de l’argent ou des valeurs”, et est donc punissable indépendamment de celui-ci.
Florence, 5 mai 2025
Vieri Adriani
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