Le viol présumé : Cass. pen. , Sez. III, 10 mai 2023, n. 19599
de Vieri Adriani
Vieri Adriani est avocat avec une préparation spécifique en droit pénal international. Langues parlées : anglais et français
Même celui qui n’est pas du métier connaît le sens de l’expression “charge de la preuve”, un principe logique, commun à la fois au procès pénal et au procès civil, en vertu duquel c’est la partie qui demande un jugement (demandeur) contre une autre partie (défendeur) devoir fournir les preuves des faits mis à la base de sa demande, alors que celle-ci peut aussi se limiter à nier qu’ils se sont produits et/ou existent, sans rien faire d’autre, si l’autre n’a pas acquitté préalablement cette charge (“onus probandi incumbit ei qui est indiqué ici”). Donc, la preuve zéro à zéro, dans le procès, n’existe pas.
Par conséquent, si le demandeur privé (dans un procès civil) ou public (dans un procès pénal, le ministère public) ne soutient pas ses affirmations avec des éléments de preuve, sa demande sera rejetée. S’il le fait, la charge de la contre-preuve, c’est-à-dire de la démonstration du contraire, se transfère automatiquement sur l’autre partie (“reus in excipiendo fit actor”).
En appliquant ce principe aux procès pour viol, il est nécessaire de considérer que la victime/personne lésée doit démontrer son désaccord par rapport au rapport sexuel prétendument consommé avec la force, c’est-à-dire au viol ou violence sexuelle subi (Notez bien : aujourd’hui on préfère l’expression équivoque “violence sexuelle”, se faisant de toute façon un faisceau, c’est-à-dire assimilant les “actes de libidines violentes” ou sans pénétration à la “violence charnelle” avec pénétration). Il faudra donc, dans la normalité des cas, des certificats médicaux, des témoignages de ceux qui ont vu ou entendu des circonstances pertinentes avant ou après le fait incriminé, ou l’état d’infériorité/prostration dans lequel se trouvait la victime à la suite de consommation volontaire ou forcée d’alcool ou de drogues ou de privation de liberté (comme dans l’histoire de Franca Viola, qui a inspiré le film du réalisateur Damiano Damiani).
Ce n’est pas le cas, par contre, pour la prononciation de la Cassation en commentaire, à savoir que l’acte sexuel violent n’est pas seulement celui qui s’accomplit en présence d’une manifestation de “désaccord” de la victime, mais aussi celui plus simplement perpétré “en l’absence du consentement”, non exprimé même sous une forme tacite, de la personne lésée.
Mais ce n’est pas tout : selon cette même décision, quiconque s’apprête à avoir des rapports sexuels avec une autre personne doit présumer qu’il y a le désaccord du partenaire. Pour surmonter cette présomption de dissidence, il faut que le prévenu démontre une manifestation du consentement de l’assujetti qui, même s’il n’est pas exprimé, présente des signes clairs et univoques permettant au juge de le considérer comme tacitement explicite.
Ces affirmations sont non seulement contraires au principe de la charge de la preuve dans le sens précisé ci-dessus, mais elles soulèvent aussi de nombreux doutes lorsque le consentement initialement donné devrait être révoqué “en cours d’œuvre”.
À ce rythme, quiconque est dans l’imminence de l’accomplissement d’un acte sexuel, d’autant plus avec une personne nouvellement connue, fera bien, tout d’abord, de se faire délivrer un consentement écrit, plus ou moins comme celui que demande le dentiste avant de commencer les soins. A moins que, demain, on ne dise que cet acte aussi a été forcé.
Il en résulte un sentiment de désarroi et de méfiance seulement à penser qu’il faut jamais, un jour, être appelé à justifier un moment d’intimité et juste devant l’un de ces fervents partisans du viol présumé.
Florence, le 3 octobre 2024
Vieri Adriani
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